Étiquette : inégalités sociales (Page 1 of 5)

Au fil des pages avec La double vie de Dina Miller

J’ai lu La double vie de Dina Miller de Zoé Brisby (éd. Albin Michel, mars 2024, 272 pages), un roman historique se déroulant au début des années 60, Dina Miller, agent du Mossad, devant exfiltrer des États-Unis, Otto van Maiden, un ancien médecin nazi dans le camp de concentration de Buchenwald et faisant partie du programme Mercury, au sein du Centre spatial basé à Huntsville, en Alabama, sous le nom d’Oscar Stanford.

Pour sa nouvelle mission d’infiltration, elle se fait passer pour une veuve revenant d’Argentine et se fait embaucher comme serveuse au Avery’s diner dans lequel se retrouve les femmes des scientifiques, avec à leur tête Mandy et la femme de sa nouvelle cible, Cherry qui ignore tout du passé nazi de son mari. Dina a dû mal à se faire à cette nouvelle mission qui n’avance guère, doutant même de l’identité de sa cible, Oscar Stanford, alors qu’elle semble particulièrement personnelle pour son superviseur, Peter qui lui rend plusieurs visites, contrairement à d’habitude et que les rumeurs circulent sur le fait que le médecin continue ses atroces expériences sur des personnes défavorisées, notamment afro-américaines de la ville et des soldats.

On retrouve des thématiques similaires à son précédent roman, Les mauvaises épouses (éd. Albin Michel, mars 2023, 336 pages), un roman historique se déroulant dans les années 50, dix ans plus tôt que ce nouveau roman mais avec cette micro-société tout en apparences et très hiérarchisée de femmes surnommées ici Bomb Wives, épouses des scientifiques du Centre spatial et se comportant comme les épouses de la base militaire fictive d’Artemisia Lane, dans le désert du Nevada, en plein projet de la bombe atomique.

Il y est ainsi question de la traque des criminels de guerre nazis par le Mossad, de l’opération Paperclip, de mariage, de fausses apparences, de vengeance, du droit des victimes, de seconde chance, de conquête spatiale…

J’avais déjà entendu parler de cette exfiltration et recrutement de scientifiques nazis par les Américains au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les Soviétiques ayant fait de même de leur côté. Mêlant des personnages fictifs à l’Histoire, Zoé Brisby rappelle le rôle jouer par ces anciens nazis et questionne sur ce qu’on peut accepter au nom de l’avancée de la science, au mépris de l’éthique et de la justice, en particulier comme dans l’intrigue, pour la conquête spatiale. En effet, suite à l’opération Paperclip, le Centre de vol Spatial Marshall a regroupé d’anciens ingénieurs et scientifiques allemands nazis placés sous la direction de Wernher von Braum, qui de par leurs compétences jugées utiles par les Américains ont pu recommencer leur vie aux États-Unis et échapper à une véritable condamnation lors des procès de Nuremberg.

Sur le même thème, j’avais vu par exemple L’ami allemand de Steven Soderbergh, un film américain sorti en 2006 avec George Clooney et Cate Blanchett et même, je crois, bien avant, dans les années 90, un épisode de X-Files qui en avait parlé avec le recrutement d’un ancien nazi dans les recherches sur les extraterrestres.

Il y est également question de la lutte pour les droits civiques des Afro-américains, Tyler, le cuisinier engagé au Avery’s diner s’engageant au sein du CSD, le Community Service Committee « un groupe créé pour soutenir la population noire et lutter contre la ségrégation » et qui a hâte de voir Martin Luther King qui va venir à Huntsville pour un meeting. 

Encore un très bon moment de lecture avec ce roman que j’ai encore plus apprécié que son précédent qui m’avait pourtant déjà bien plu! J’ai enfin noté quelques passages gourmands avec les plats préparés au Avery’s diner par Tyler comme la première assiette mangée par Dina lors de son embauche: « une assiette contenant des œufs brouillés, un toast et une saucisse, le tout arrosé de ketchup » ou lors du grand barbecue organisé par Mandy en juin 1961 au cours duquel Wernher von Braun et son épouse sont présents: mini-burgers, ailes de poulet panés, cupcakes…

Challenge Petit Bac d’Enna #2 Catégorie Prénom: « Dina »

Participation #3 AAHM Challenge 2025 d’Enna

Participation #8 Challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2025 de Bidib et Fondant #Cuisine américaine

Au fil des pages avec Panorama

Attirée par le résumé de la quatrième de couverture, j’ai lu Panorama de Lilia Hassaine (éd. Gallimard, août 2023, 240 pages), un court roman policier contre-utopique dans lequel la narratrice quinquagénaire, Hélène Dubern, ancienne commissaire de police devenue gardienne de protection, revient sur l’enquête policière qu’elle a menée avec son collègue Nico après la disparition des époux Royer-Dumas et de leur fils Milo, âgé de 8 ans, le 17 novembre 2049. Cette disparition inquiétante est devenue rarissime dans une France où la Transparence s’est imposée, suite à une révolution en 2029, après la Revenge Week au cours de laquelle des individus se sont faits eux-même justice et en se vengeant, en tant que victimes, des coupables impunis, face au laxisme et inaction de la Justice. Que leur est-il arrivé?

Mais j’ai été déçue par ma lecture, le format court du roman jouant peut-être en sa défaveur et l’autrice accumulant les clichés, tirant un peu trop, à mon goût, sur des thématiques actuelles poussées à leur extrême (durcissement de la justice pénale des mineurs, omniprésence des réseaux sociaux au point que la Justice passe par des tribunaux populaires et médiatiques, consentement sexuel avec l’utilisation de lit-sarcophage, éducation bienveillante à l’école, culture générale nivelée par le bas, présence constante du regard d’autrui et jugement des autres à travers le système des voisins vigilants…).

Cette Transparence renvoie au débat somme toute classique sécurité/liberté, la paix sociale semblant être possible avec cette vie surexposée sous verre, la transparence servant de vecteur pour éviter tout débordement et instaurer la sécurité sociale, pour celles et ceux qui acceptent de vivre dans ces quartiers sécurisés et communautaires, chacun se regroupant par affinités. Cela m’a d’ailleurs fait penser à ce qui s’est passé avec l’arrivée de l’éclairage public qui a fait déplacer la délinquance à d’autres endroits, comme avec l’installation des caméras de surveillance devenue, depuis pour une meilleure acceptation, des caméras de vidéoprotection ou bien encore, l’installation des bancs anti-SDF dans les centres villes…

Au fil de son enquête, Hélène remet en question son propre choix de vie, comme celui d’avoir voulu habiter dans un quartier de maisons en verre, certes moins huppé que celui des disparus mais tout aussi intrusif, alors même que l’époux disparu venait des Grillons, un quartier « à l’ancienne », avec des murs dans lequel vivent et même s’entassent celles et ceux qui ont refusé la transparence ou en ont été exclus car trop pauvres ou malades ou bien encore son mariage avec un mari infidèle avant l’arrivée de la Transparence…

J’aurai apprécié plus de profondeur et de nuances dans les personnages et dans la description de ces villes en verre. Tout reste malheureusement trop superficiel, à la surface des faits et des sentiments de chacun, la dernière partie de résolution de l’enquête étant même truffée d’invraisemblances, les gardiens de protection ayant perdu toute perspicacité et compétences pour enquêter correctement, la police étant devenue inutile en 20 ans. Ce roman vaut donc surtout pour la description de ce monde futuriste (d’anticipation ou contre-utopique?) dans lequel règne la transparence devenue norme au mépris de l’intimité et du respect de la vie privée, sans pour autant avoir fait disparaître tout acte délinquantiel, de  nouvelles formes de harcèlement et d’inégalités sociales, sans répit pour les victimes, ayant vu le jour.

Pour d’autres avis sur ce roman: Ingannmic et Kathel

Au fil des pages avec Pour que brûle l’espoir

J’ai lu Pour que brûle l’espoir de Rachel Beanland (éd. Faubourg Marigny, octobre 2024, 460 pages), un roman choral historique se déroulant sur quelques jours, du 26 au 29 décembre 1811, après l’incendie, en pleine représentation de la pièce de théâtre qui se joue à guichets fermés par la Placide & Green Company à Richmond, en Virginie et dans lequel nous suivons, tour à tour, le destin de 4 personnages principaux.

Dans les loges du troisième étage, Sally Henry Campbell, veuve depuis peu, tente de se sauver avec son beau-frère et sa femme. Dans la galerie des gens de couleur, Cecily Patterson, esclave de 19 ans y voit un répit à sa cruelle condition et même l’occasion d’échapper à ses propriétaires, en particulier leur fils, Price.  Dans les coulisses dont le feu est parti, Jack Gibson, jeune machiniste orphelin de 14 ans, tente d’être le plus juste possible et a dû mal à accepter la stratégie de la compagnie de théâtre qui est de rejeter la faute de l’incendie sur une émeute d’esclaves. Quant à Gilbert Hunt, un esclave forgeron, il vient en aide aux spectateurs piégés dans les flammes, en sauvant une douzaine de femmes avec l’aide d’un médecin, ce qui provoquera l’ire de son propriétaire. Et si cette incendie allait irrémédiablement changer leur existence ou non?  

Après avoir mis un temps à accepter le style d’écriture au présent (avec plusieurs erreurs dans la concordance des temps dont je ne sais pas si c’est dû à l’autrice ou à la traduction), j’ai enchaîné les chapitres courts et rythmés qui passent d’un des 4 personnages à l’autre en maintenant la tension et le suspense à son comble sur leur sort. L’espoir est-il permis? Sally surmontera-t-elle son deuil? Cecily découvrira-t-elle la liberté? Gibson fera-t-il le bon choix professionnel? Gilbert arrivera-t-il à s’affranchir avec sa femme?  Il y est ainsi question de la condition de la femme au début du XIXe siècle aux États-Unis, des inégalités sociales et des Afro-américains, d’esclavage dans cet État ségrégationniste du Sud des États-Unis, de solidarité surtout entre femmes, de lâcheté de la part de la plupart des hommes… 

Un très bon moment de lecture malgré les thèmes abordés et richement documentée, la note finale de l’autrice étant très intéressante et revenant sur ces personnages qui ont existé et dont elle s’est inspirée!

Pour d’autres avis sur ce roman: Bianca.

Participation #1 AAHM Challenge 2025 d’Enna

Participation #3 (Parcours littéraire) Challenge Le tour du monde en 80 livres 2025 de Bidib #États-Unis

Pause ciné: Laapataa Ladies

J’ai regardé Laapataa Ladies, un film indien réalisé en 2023 par Kiran Rao et sorti en mars 2024, ayant accroché au pitch de départ, deux épouses échangées par erreur alors qu’elles se rendent dans leur belle-famille respective, étant voilées et portant les mêmes vêtements traditionnels de noces.

En 2001, quelque part dans l’Inde rurale, Deepak Kumar, un agriculteur, vient de se marier avec Phool Kumari. Sur le chemin du retour dans son village natal, ils ne sont pas les seuls jeunes mariés dans le train bondé. Alors qu’ils arrivent en pleine nuit à leur destination, le jeune homme ne fait pas attention quand il réveille son épouse, prenant la femme d’un autre marié, Pradeep, pour la sienne. S’inquiétant pour son épouse dont il est épris et malgré le risque d’humiliation et ses réticences bien légitimes à se rendre au poste de police, il part déclarer la disparition de Phool auprès de du chef-policier corrompu Shyam Manohar qui voit là l’occasion de se faire de l’argent avec l’épouse échangée qui a donné un faux nom, Pushpa Rani et non Jaya Tripathi Singh. Tout va-t-il pouvoir rentrer dans l’ordre?

Il y est ainsi question de la condition de la femme dans l’Inde rurale, en particulier des jeunes filles encore très souvent mariées avant leur 18 ans qui est pourtant l’âge légal en Inde pour les femmes (et 21 ans pour les hommes). J’ai trouvé Nitanshi Goel, la jeune comédienne âgée à l’époque du tournage de 16 ans, convaincante (tout comme les autres comédiens) dans son rôle d’épouse adolescente perdue sur le quai de gare, ne connaissant pas le nom du village de Deepak et qui s’émancipe et ne baisse pas les bras, pensant toujours possible de retrouver son mari et se découvrant bien plus forte et indépendante qu’elle ne le pensait. Elle est le pendant de Jaya qui a vu l’occasion d’échapper à un mariage imposé par sa mère à un homme violent alors que son rêve était de poursuivre des études. Il y est donc aussi question d’accès à l’éducation pour les femmes, d’émancipation féminine et de violences conjugales, dans une société indienne rurale encore très patriarcale et sous le poids écrasant de coutumes familiales et religieuses.

D’autre part, il est aussi question de la corruption et de la violence au sein de la police. Le personnage du policier est parfaitement représentatif de cette situation dénoncée dans le film et qui pourtant encore bien actuelle en Inde, nonobstant le côté grotesque de son personnage et de ses subordonnés, notamment lorsqu’il tente de percer à jour la véritable identité de Jaya.

En effet, malgré les thèmes abordés, ce film n’est pas dénué d’humour bien au contraire, venant en contrepied des moments vécus par les protagonistes, comme la musique. Cela m’a d’ailleurs fait penser à l’humour si particulier d’Emir Kusturica, en particulier à son film Chat noir, chat blanc sorti en 1998. Certes, la fin du film apparaît sans doute trop joyeuse et optimiste mais elle ne dénote pas avec le ton donné. Un très bon moment de visionnage avec cette comédie dramatique rocambolesque, drôle et pourtant socialement réaliste! Pour un petit aperçu, j’ai mis la bande-annonce.

Pour la petite anecdote pop culture, j’ai rigolé en voyant un neveu de Deepak jouer à Snake, sur le Nokia appartenant à Jaya, l’histoire se déroulant en 2001, bien avant l’arrivée des smartphones.

J’ai enfin visionné de nombreux passages gourmands, que ce soit par exemple le stand de thé tenu par Manju Mai sur le quai de la gare où Phool a trouvé refuge ou les repas préparés par la mère de Deepak…

Participation #1 Challenge Les Étapes Indiennes 2025 de Hilde #Film

Participation #4 Challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2025 de Bidib et Fondant #Cuisine indienne

Au fil des pages avec Vocation fatale

Avant de commencer à lire le tome suivant et quelques jours après les 50 ans de la Loi Veil du 17 janvier 1975 relative à l’IVG, j’ai eu envie de chroniquer le tome 4 de Monk que j’ai lu il y a déjà plusieurs mois, Vocation fatale d’Anne Perry (éd. 10/18, coll. Grands Détectives, janvier 2000, 509 pages), un roman policier se déroulant à Londres, à la fin des années 1850, quelques mois après le tome précédent.

Monk vient de terminer une affaire bien délicate d’une cliente adressée par Lady Callandra, Mrs Julia Penrose dont la sœur cadette, Marianne Gillepsi a occulté le traumatisme de son viol dont elle a été victime dans le pavillon du jardin de leur demeure. Très vite, l’inévitable conclusion s’impose à Monk. Mais que faire compte-tenu de son impact sur la vie de ces deux femmes qui dépendent du mari de l’aînée?

Là en est son enquête que le détective privé classe à regret lorsque le corps d’une ancienne infirmière de Crimée, Prudence Barrymore est retrouvée au sein du Royal Free Hospital. Qui a bien pu l’étrangler? Lady Callandra qui est une des administratives bénévoles de l’hôpital et qui n’a pas confiance dans l’inspecteur en charge de l’enquête, engage, en effet, Monk. Ce dernier peut rapidement s’appuyer sur Esther Latterly qui va remplacer l’infirmière décédée et ainsi pouvoir enquêter en toute discrétion, au cœur même de l’hôpital. Le groupe s’entraide alors, rejoint un peu plus tard par l’avocat Oliver Rathbone, Esther lui demandant conseil. Et si l’affaire Gillepsi étant liée à la nouvelle?

J’ai, une nouvelle fois, apprécié cette enquête malgré les thèmes lourds abordés et retrouvé le quatuor, en particulier la relation qui se noue entre Monk et Esther, tout en tension et respect réciproque, sous l’œil non dupe de Lady Callandra qui elle-même est sous le charme d’un des médecins mariés de l’hôpital, d’origine étrangère (de Bohême) qui en fait un coupable tout désigné et qu’elle entend innocenter, le Dr. Kristian Beck.

Il y est ainsi encore une fois question de la condition de la femme à l’époque victorienne, que ce soit dans la sphère privée, celle-ci étant dépendante du bon vouloir de son époux et piégée, parfois (ce qui est déjà trop) dans des violences intrafamiliales ou des grossesses non désirées, n’étant pas libre de leur choix, même sur leur propre corps, ou dans la sphère professionnelle, l’accès au métier de médecin étant encore prohibé pour les femmes, ce qui m’a fait penser à la vie du Dr. James Barry, une femme s’étant fait passer toute sa vie pour un homme afin d’exercer le métier de médecin chirurgien dans l’armée britannique au XIXe siècle.

Il y est également question du métier d’infirmière, de la modernisation de la médecine en particulier en chirurgie, avec l’arrivée de nouveaux traitements spécifiques en matière d’anesthésie par exemple et nouvelles pratiques sanitaires qui prennent leur temps pour être généralisés et qui font face à la réticence de certains praticiens, comme ici l’infirmière en chef qui ne voit pas d’un bon œil les nouvelles règles en matière d’hygiène ou le médecin chef Sir Herbert Stanhope, chirurgien réputé mais misogyne ou à la volonté d’autres de se rendre plus humains et modernes comme le Dr. Kristian Beck ou l’infirmière Florence Nightingale… Encore un très bon moment de lecture avec une enquête bien menée et un quatuor toujours aussi perspicace!

Pour d’autres avis sur ce tome 4: Syl.

Participation #1 Challenge British Mysteries 2025 de Lou et Hilde #Roman policier historique

Participation #2 (Parcours littéraire) Challenge Le tour du monde en 80 livres 2025 de Bidib #Royaume-Uni

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