J’ai lu Un chant de Noël, une histoire de fantômes de José Luis Munuera (éd. Dargaud, novembre 2022, 80 pages), une BD adulte adaptant la nouvelle éponyme de Charles Dickens parue pour la première fois en 1843. A Londres, en ce 24 décembre 1843, tout le monde se prépare à fêter Noël si ce n’est Elizabeth Scrooge, une riche et intelligente femme d’affaires égoïste, capitaliste, avare, hautaine, ambitieuse et misanthrope. La jeune femme célibataire se décrit, quant à elle, comme ayant l’esprit pratique, les festivités de Noël n’étant que futilités et pertes d’argent, donnant à contre-cœur son jour de congé à son employé Bob Cratchit. La veille de Noël, trois esprits viennent lui rendre visite, comme le lui avait annoncé quelques instants plus tôt le spectre de son ancien associé décédé 7 ans auparavant: celui des Noëls passés, du Noël présent et des Noëls futurs. Cette rencontre permettra-t-elle à la jeune femme de revoir sa philosophie de vie? Ou restera-t-elle inflexible face à ces esprits?
J’ai beaucoup apprécié cette réécriture moderne et féministe de la nouvelle originelle, le personnage de Scrooge et de son neveu devenant des femmes, ce qui permet de s’interroger à la fois sur la condition de la femme et des inégalités sociales à l’époque victorienne et en en permettant une « morale » plus nuancée et subtile que celle du conte originel.
En faisant du personnage principal une femme, José Luis Munuera apporte, en effet, un regard moderne sur un débat sociétal qui perdure pourtant encore un peu trop souvent aujourd’hui, comme s’il n’y avait que deux figures possibles de la femme, le choix se réduisant alors entre carrière professionnelle et vie privée, la réussite professionnelle de la femme ne pouvant se réaliser qu’au détriment d’une vie de famille et inversement et non en recherchant un équilibre entre les deux ou tout autre épanouissement personnel; ce qui ressort de l’opposition entre Scrooge et sa nièce qui s’est mariée par amour.
De même pour les inégalités sociales, Scrooge soutenant que les pauvres étant coupables de l’être et « méritant » leur sort, comme Cratchit et sa famille nombreuse qui, malgré des revenus très modestes, a 6 enfants dont le dernier malade et qui va dépenser ses maigres économies, et même s’endetter, pour fêter Noël en famille.
Il y est ainsi question d’esprit de Noël, de famille, de choix de vie, de résilience, le passé de la jeune femme ayant influencé ce qu’elle est devenue et forgé ses convictions profondes.
J’ai également été conquise par les dessins de José Luis Munuera que ce soit pour décrire une ville enneigée avec ses miséreux ou pour retranscrire l’ambiance fantastique et magique des 3 esprits de Noël. Il y a un côté un peu Peter Pan dans l’allure d’Elizabeth Scrooge, prise dans les limbes du temps, les 3 esprits tentant de lui ouvrir les yeux sur ce qui est bon ou juste afin de s’éviter une mort solitaire.
J’allais écrire un très bon moment de lecture mais finalement je choisis que c’est un coup de cœur pour cette bande dessinée! Je l’ai lue en version consultable en ligne grâce à ma médiathèque mais j’ai vu que la version papier est de nouveau disponible alors je l’ai empruntée avant-hier car certaines doubles pages rendent bien mieux en version papier.
Cette lecture entre, avec un peu/beaucoup de retard (ou d’avance!) pour Noëlloween et le challenge British Mysteries, avec ces esprits mystérieux et bienveillants malgré leur apparence un peu inquiétant, surtout celui du Noël présent lorsqu’il vit ses derniers instants. Sans oublier des bulles gourmandes pour le challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2024 avec l’esprit du Noël présent et la dinde de Noël.
C’est aussi une participation au challenge Contes & Légendes 2024 de Bidib (conte de Noël).
Pour d’autres avis sur cette BD: Hilde et Chicky Poo.
Nous partageons le même avis et le même coup de cœur ! 😉
Oui et ce n’est pas la première fois ni la dernière qu’on se rejoint sur nos avis 😉