Étiquette : maladie mentale

Au fil des pages avec Dolorès ou le ventre des chiens

J’ai lu, en février dernier, Dolorès ou le ventre des chiens d’Alexandre Civico (éd. Actes Sud, janvier 2024, 192 pages), un court roman policier avec le face-à-face entre une tueuse en série présumée d’une dizaine d’hommes riches, âgée d’une quarantaine d’année, Dolorès Leal Mayor et Antoine Petit, le psychiatre chargé de l’expertise psychiatrique, tout juste diplômé sur lequel un juge d’instruction a fait pression pour qu’il rende une expertise concluant à la folie de Dolorès. Au cours des entretiens en maison d’arrêt, l’expert psychiatrique parviendra-t-il à découvrir le mobile de ces meurtres?

J’ai été déçue par ma lecture avec deux personnages bien trop caricaturaux et un propos qui va à contre-sens de la politique pénale actuelle qui retient très rarement les cas d’irresponsabilités pénales, même en cas de mise sous tutelle de la personne poursuivie et même si l’idée de ce face-à-face était séduisante, chacun renvoyant à l’autre son mal-être et sa colère face aux « puissants ». Il y est ainsi question d’inégalités sociales, les deux venant de milieux sociaux modestes, que ce soit Dolorès face aux hommes riches de la société patriarcale qui font peu de cas du sort des femmes, réduites à des objets sexuels pour leur bon plaisir ou Antoine qui évolue parmi des parisiens aisés, comme sa petite amie, qui vivent au-dessus de sa classe sociale qu’il méprise tout en en prenant les codes, travers et addictions (alcool et cocaïne).

Je n’ai pas ressenti « cet ode à l’embrasement, à l’incandescence des révoltes » ni vu « une fable contemporaine sur la violence induite par le poids de l’oppression », comme annoncé par l’éditeur.

J’ai d’autre part relevé bien trop d’incohérences et inepties judiciaires à mon goût comme par exemple le fait que Dolorès aille directement en maison d’arrêt, de façon arbitraire, sans passer par la case « garde à vue puisqu’elle a été menottée lors de son interpellation, déferrement, mise en examen devant un Juge d’Instruction et débat contradictoire en vue de son placement en détention provisoire devant un Juge de la liberté et de la détention » ou bien encore l’improbable évasion finale complètement grotesque… Certes il s’agit d’une fiction mais ce face-à-face aurait été sans doute été plus pertinent s’il ne s’était pas ancré dans une époque contemporaine, renvoyant à la procédure judiciaire actuelle française et donc à un État de droit.

Pour d’autres avis sur ce roman: Katell (qui a été bien plus emballée que moi).

Challenge Petit Bac d’Enna #2 Catégorie Partie du corps: « Ventre »

Pause lecture: En attendant Bojangles

Le week-end dernier, j’ai lu En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut (éd. Gallimard, coll. Folio, n°6308, 2016, rééd. mars 2017, 172 pages), un court roman sur l’amour fou des parents du narrateur, un jeune garçon entraîné dans le tourbillon des mensonges à l’endroit et à l’envers de ses parents qu’il voit danser tous les jours sur l’air de « Mr. Bojangles » de Nina Simone et faisant tout pour repousser l’ennui. Comment pour un tel petit garçon trouver sa place et grandir auprès d’un couple si amoureux à en mourir?

J’ai apprécié le style d’écriture poétique, presque « dansant » ou « chantant », avec de nombreuses rimes que ce soit par le biais du narrateur ou des carnets de son père retrouvés des années plus tard. Ce style poétique apporte une touche de légèreté et d’excentricité malgré les thèmes abordés, la mère du narrateur souffrant de troubles psychiatriques. Il y est ainsi question d’une famille vivant hors de la réalité pour chasser l’ennui et la routine du quotidien, faisant fi de la pathologie de la mère jusqu’à ce que cela ne soit plus possible, tel un vieux tourne-disque qui déraille. Même si l’auteur dit avoir entendu cette chanson à la radio quelques jours avant d’écrire son roman sans vraiment savoir où il allait et sans avoir pensé à L’écume des jours, j’ai retrouvé des faux-airs de Boris Vian, même si Olivier Bourdeaut est parfois moins subtil que lui dans son propos.

En se mettant à hauteur d’enfant, ce dernier ne pouvant, du haut de son jeune âge, prendre conscience de tout ce qui se joue au sein de sa famille, l’auteur positionne son récit dans une (fausse) insouciance et une candeur juvénile. Les personnages secondaires que côtoie cette famille atypique et liée par un amour inconditionnel apportent également une touche rigolote, que ce soit Madame Superfétatoire, leur oiseau de compagnie ou l’ami sénateur de la famille. Un très bon moment de lecture avec ce premier roman de l’auteur!

Puis j’ai enchaîné avec En attendant Bojangles d’Ingrid Chabbert et Carole Maurel, d’après Olivier Bourdeaut (éd. Steinkis, janvier 2022, 136 pages), une BD adulte adaptant le roman éponyme et qui était gratuitement consultable en version numérique par ma médiathèque. Une adaptation réussie du roman, retranscrivant à merveille cette bulle de folie hors du temps (années 60/70?) et d’amour inconditionnel! J’ai apprécié les illustrations un brin surannées de Carole Maurel, enjouées et colorées. Je vous conseille toutefois de lire le roman avant, compte-tenu de certaines ellipses et pour comprendre certains passages, par exemple lorsque la mère est hospitalisée en service psychiatrique. 

Sans oublier des passages gourmands avec les nombreuses boissons alcoolisées, la mère du narrateur tenant un verre à la main aussi souvent que son père fume la pipe ou les plats espagnols, comme lorsque mère et fils vont au marché par exemple.

J’ai désormais bien envie de découvrir son adaptation en film éponyme puisqu’un film franco-belge réalisé par Régis Roinsard est sorti en avant-premier en octobre 2021 puis en janvier 2022 avec dans les rôles-titres Virginia Efira et Romain Duris.

TTL n°259 chez Carole #Roman de – de 300 pages

C’est aussi une participation au Throwback Thursday Livresque n°259, le thème proposé ce jeudi par Carole étant « Roman de – de 300 pages ». Il s’agit d’un rendez-vous livresque initialement chez Bettie Rose Books et repris depuis par Carole, les liens étant à déposer chez My-Bo0ks. Le principe est de partager chaque jeudi un livre en fonction d’un thème donné.

Pour d’autres avis sur le roman et/ou la BD: Nathalie (roman), Enna (roman et BD) et Blandine (roman).

Participation #8 Challenge Des livres (et des écrans) en cuisine 2024 de Bidib et Fondant #Cuisine espagnole et cocktails

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